Agriculture durable : Stratégies pour une production alimentaire responsable

La tendance actuelle remet en question le modèle traditionnel de l’agriculture dite conventionnelle, souvent associée à une approche industrielle ou intensive. Ce modèle, qui s’emploie à augmenter la production par le recours à la mécanisation et à l’utilisation intensive d’intrants tels que les engrais chimiques, les pesticides de synthèse, les semences sélectionnées, le carburant pour les machines agricoles et l’eau pour l’irrigation, est critiqué en raison des nombreuses conséquences négatives sur l’environnement. Parmi celles-ci, on souligne notamment la dégradation des terres, la pollution environnementale, la perte de biodiversité, les émissions de gaz à effet de serre, l’appauvrissement des communautés rurales et les disparités croissantes à l’échelle mondiale.

Parallèlement, d’autres approches agricoles gagnent du terrain, proposant des méthodes plus respectueuses de l’environnement. Ces modèles alternatifs incluent l’agriculture biologique, l’agriculture régénérative, l’agriculture de conservation, l’agriculture adaptée au changement climatique, l’agriculture durable, la biodynamie, la permaculture et l’agroécologie. Ils suscitent un grand intérêt et offrent de nouvelles promesses pour un avenir pérenne de l’agriculture. Cependant, ces pratiques se différencient par leur philosophie, leurs objectifs et leurs méthodes, créant ainsi un besoin d’explorer et de clarifier leurs caractéristiques afin de mieux les comprendre.

L’Environnement comme Facteur Unificateur

L’approche écoresponsable de la production alimentaire tend à s’aligner sur les rythmes et procédés naturels, en vue d’une production durable. Surnommé « agriculture naturalisée », ce mouvement s’éloigne de l’agriculture conventionnelle qui considère les ressources naturelles comme de simples intrants remplaçables.

  • Agriculture de précision vs. naturalisée : Contrairement à l’agriculture de précision et l’agriculture raisonnée qui se concentrent sur l’optimisation technologique des ressources sans questionner le fondement même de l’agriculture traditionnelle, les méthodes de l’agriculture durable cherchent à repenser ces fondements.

Les diverses pratiques au sein de ce mouvement se manifestent par le biais de différents cadres et certifications. Par exemple:

  • Agriculture biologique et biodynamique: Elles suivent des règles strictes et sont certifiées par des organismes internationaux comme la IFOAM et la DABSF (Demeter International).
  • Approches orientées principes: La permaculture, l’agriculture de conservation et l’agroécologie relèvent davantage de principes essentiels adoptés par les agriculteurs, avec une flexibilité dans les applications pratiques telles que l’utilisation des pesticides, la fertilisation et le labour.
MéthodeCertificationPrincipes de PratiqueFlexibilité
BiologiqueIFOAMRègles strictesModérée
BiodynamiqueDemeter Int.Règles strictesModérée
PermacultureAucuneOrientée principesÉlevée
ConservationAucuneOrientée principesÉlevée
AgroécologieAucuneOrientée principesÉlevée

Ce choix de diversifier et personnaliser les méthodes offre un avantage conséquent aux exploitants agricoles car ils peuvent adapter leurs pratiques au contexte spécifique de leurs terroirs. Néanmoins, cette même flexibilité complique l’évaluation précise de leurs résultats agronomiques et économiques.

D’autres systèmes, tels que l’agriculture régénérative et l’agriculture climato-intelligente, se distinguent en se fondant sur l’atteinte d’objectifs spécifiques, tels que la régénération des ressources naturelles ou la séquestration du carbone dans les sols, sans se rattacher à un ensemble clairement défini de pratiques prédéfinies. Ces modèles restent plus difficiles à évaluer de façon standardisée et ne seront donc pas comparés dans le cadre de ce texte.

Approches Divergentes des Modèles Agricoles

Agriculture de conservation : Priorité aux changements techniques visant à renforcer les capacités agronomiques et la santé de l’écosystème de chaque exploitation.

  • Respect de la terre
  • Stratégies agronomiques durables

Agriculture biologique et permaculture : Intégration des principes d’équité sociale au sein de l’exploitation ou de la communauté locale.

  • Éthique sociale
  • Pratiques agricoles holistiques

Agroécologie : Transformation radicale des pratiques agricoles et systèmes alimentaires, visant l’équilibre entre la recherche, la gestion des marchés, les politiques agricoles, et l’équité sociale.

  • Justice sociale
  • Autonomie alimentaire

Biodynamie : Amélioration écologique de l’exploitation agricole envisagée comme un écosystème autonome, avec certaines croyances ésotériques sujettes à critique.

  • Ferme autonome
  • Pratiques ésotériques contestées

Avec ou sans pesticides ?

Les pratiques agricoles soucieuses de l’environnement optent pour différentes méthodes de lutte contre les nuisibles, diminuant ou éliminant l’usage des pesticides. Ces nuisibles, attirés par les cultures, tels que les insectes et les microorganismes, sont souvent combattus dans l’agriculture conventionnelle par des agents chimiques nocifs pour l’écosystème et susceptibles de supprimer également des espèces bénéfiques.

L’intégration de la diversité biologique est au cœur des approches agricoles écologiques :

  • Prédateurs naturels des nuisibles
  • Plantes répulsives
  • Substances naturelles (huiles essentielles, propolis)
  • Micro-organismes
agriculture durable reposant sur l'usage de fertilisants bénéfiques
Source Pexel

L’agriculture biologique et la biodynamie se distinguent par leur rigueur :

  • Utilisation exclusive de substances autorisées par des normes strictes
  • Interdiction des pesticides synthétiques
  • Employ de préparations biodynamiques à base de plantes, minéraux, et fumier

Les principes de l’agroécologie et de la permaculture s’opposent à la synthèse chimique en favorisant :

  • Santé des sols
  • Diversité biologique
  • Économies d’énergie

Certains exploitants interprètent ces principes de manière à permettre une utilisation modérée des pesticides synthétiques. En revanche, l’agriculture de conservation n’intègre pas dans ses fondements la protection des cultures face aux nuisibles.

Méthodes de fertilisation écologique des sols

La fertilisation des terres cultivées sans l’utilisation d’engrais minéraux synthétiques nécessite des stratégies visant à restaurer et maintenir l’équilibre naturel des sols. Diverses techniques permettent de pallier la perte de nutriments due à l’agriculture tout en respectant l’environnement :

  • Compostage : L’emploi de compost, obtenu grâce à la décomposition de matières organiques végétales et animales, enrichit le sol en nutriments tout en améliorant sa structure.
  • Couverture végétale : Laisser des résidus de cultures sur le champ protège la terre contre l’érosion et favorise le recyclage naturel des éléments nutritifs.
  • Engrais organiques : L’introduction de substances telles que les déjections animales, les os broyés ou les écailles de poissons apporte des minéraux essentiels au sol.
  • Agriculture biologique : Cette pratique rejette l’utilisation d’engrais chimiques et applique des contrôles stricts sur la qualité et l’origine des engrais organiques pour éviter la contamination par des substances nocives comme les métaux lourds.
  • Agriculture biodynamique : Tout comme l’agriculture biologique, elle bannit les engrais synthétiques et ne permet pas l’utilisation de matières organiques issues de l’industrie ou d’élevages intensifs, pour préserver l’intégrité des sols.
  • Agroécologie et permaculture : Ces approches se concentrent sur des pratiques durables et le recyclage en circuit fermé, excluant ainsi les fertilisants synthétiques sauf dans des conditions très contrôlées.

Il est essentiel de préserver la matière organique, considérée comme le ciment du sol, pour nourrir la microfaune, conserver la structure du sol et séquestrer le carbone, contribuant ainsi à la lutte contre le changement climatique. L’agriculture durable repose sur l’usage de fertilisants organiques est fondamentale pour assurer une fertilité à long terme des terres cultivables tout en respectant les cycles biologiques et en minimisant l’impact environnemental.

Travailler ou non le sol

Aération et drainage : Le remuement du sol est une méthode traditionnelle visant à favoriser l’oxygénation et le drainage. Ce processus permet de créer un environnement propice à la germination des graines ainsi qu’à l’épanouissement des plantules.

  • Amélioration de la terre : En retournant la terre, on y mélange des matières organiques, ce qui améliore sa qualité.
  • Gestion de la flore indésirable : L’action de retourner la terre aide également à réguler les plantes non désirées.

Impact des machines agricoles : L’usage intensif de machinerie agricole pour le labourage en profondeur peut toutefois condenser la terre, nuisant à son écosystème, incluant la faune souterraine et le taux de matière organique préservé.

Actions des organismes souterrains : Les insectes et vers de terre naturellement présents dans le sol creusent des tunnels qui facilitent la pénétration de l’air et de l’eau, préparant ainsi le sol pour une meilleure croissance racinaire. Ces passages vitaux sont malheureusement détruits par le labourage conventionnel.

Différentes approches en agriculture :

  • Agriculture de conservation : Cette pratique limite ou interdit le labourage, respectant ainsi le travail des « ingénieurs » du sol naturels.
  • Agriculture biologique : Elle privilégie le labourage pour contrôler la flore indésirable.
  • Biodynamie : Préconise un travail mécanique modéré du sol.
  • Permaculture et agroécologie : Limitent le labourage pour réduire la dépendance aux intrants énergétiques et améliorer la santé des sols.

Favoriser la Biodiversité avec l’agriculture durable

Les écosystèmes naturels sont caractérisés par une richesse en espèces animales et végétales qui maintiennent l’équilibre écologique. Toutefois, l’agriculture classique a entraîné une standardisation des zones cultivées, réduisant la diversité des plantes. Actuellement, une petite sélection de cultures domine la production mondiale.

La dépendance à ces monocultures rend les paysages agricoles plus sensibles aux nuisibles et aux aléas climatiques, tandis que l’élevage intensif sépare les animaux des cultures, les confinant dans des espaces restreints.

Choisir une approche d'agriculture durable pour une production responsable
Source Pexel

Pratiques Agricoles pour la Diversité :

  • Biodynamie : Ce modèle, très strict, requiert la rotation et l’association des cultures, l’installation d’habitats favorisant la biodiversité auxiliaire, et l’intégration de divers animaux dont la nourriture provient en partie de la ferme.
  • Agroécologie et Permaculture : Elles partagent les mêmes objectifs de biodiversité et synergie entre les espèces, y compris la faune sauvage, pour améliorer la fertilité des sols et contrôler les parasites naturellement.
  • Agriculture Biologique : Moins restrictive, elle préconise aussi la rotation des cultures et le maintien d’espaces naturels, mais sans les imposer.
  • Agriculture de Conservation : Elle focalise sur la diversification des cultures et les rotations sans intégrer l’élevage dans ses principes.

Une étude menée par l’INRAE relève que parmi les systèmes agricoles existants, la biodynamie, l’agriculture biologique et l’agriculture de conservation se distinguent par leur impact positif sur la santé des sols, bien que la permaculture et l’agroécologie n’aient pas été incluses dans l’analyse.

Ces approches agricoles écologiques s’accordent sur le respect de l’environnement et dirigent la transformation des pratiques agricoles vers une plus grande durabilité. Bien qu’elles diffèrent dans leur mise en œuvre, de nombreux agriculteurs s’inspirent de plusieurs de ces approches, démontrant leur complémentarité plutôt que leur concurrence.

Tableau Comparatif des Pratiques Agricoles :

PratiqueRotation des CulturesIntégration d’ÉlevageHabitat pour la Biodiversité
BiodynamieObligatoireOuiOui
AgroécologieRecommandéOuiOui
Agriculture BiologiqueRecommandéNon obligatoireRecommandé
Agriculture de ConservationRecommandéNon pris en compteS/O (Sans Objet)
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Auteurs :

Marie-Liesse Vermeire. Chercheuse en écologie du sol, Cirad

Raphaël Belmin. Chercheur en agronomie, photographe, accueilli à l’Institut sénégalais de recherches agricoles (ISRA, Dakar), Cirad

Cet article est une version re-écrite par l’IA – Version originale publiée par The Conversation France.

Source : The Conversation (France)

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